Interview de Marie DJENGUE (Nature Tropicale ONG, Bénin)

Published on 11 juillet 2022
ICON/BTN/arrow/2/arrow-down Created with Sketch. Conservation des écosystèmesInterview de Marie DJENGUE (Nature Tropicale ONG, Bénin)

« (…) être patient.es, courageux.ses et persévérant.es. (…) apprendre à mieux se connaître à travailler en équipe et à collaborer avec leurs ainés pour apprendre d’eux tout en se permettant d’innover (…) œuvrer à la définition d’une vision claire pour éviter de ‘‘s’éparpiller’’ dans leur lutte associative.

Je leur dirais enfin de soutenir l’engagement féminin. Les femmes étant encore trop souvent marginalisées dans certaines communautés, sans droit à la parole. Pourtant si nous les y accompagnons avec bienveillance, elles ont un rôle très important à jouer au sein de la société et dans leur foyer. »

1.Mme DJENGUE, vous êtes la Chargée de Programme Zones Humides / Coordonnatrice du Programme Tortues Marines de Nature Tropicale ONG pouvez-vous nous présenter un peu votre association ?

 

Créée en 1995, Nature Tropicale ONG est une association à but non lucratif dont la mission est de promouvoir la conservation et l’utilisation rationnelle de la diversité biologique, à travers l’information, l’éducation et la sensibilisation des différents acteurs et surtout de la jeunesse.

 

En 2004, Nature Tropicale ONG devient la 1ère ONG béninoise membre de l’Union Mondiale pour la Conservation de la Nature (UICN). Depuis 2015, elle assure la Présidence du Comité National UICN-Bénin. Nature Tropicale ONG œuvre notamment à la sauvegarde des espèces menacées ou en danger (tortues marines, lamantin d’Afrique, baleines et dauphins) ainsi que des écosystèmes forestiers et aquatiques sacrés au Bénin et dans la sous-région. Elle accorde également une importance particulière à la conservation de la diversité bio-culturelle. Pour y parvenir Nature Tropicale ONG promeut les activités d’éco-tourisme dans les zones humides ainsi que le tourisme baleinier. Nous sommes aussi actifs dans les domaines de l’agriculture familiale durable, la sauvegarde du patrimoine génétique Africain, la lutte contre les changements climatiques et la promotion des énergies renouvelables (solaire, biogaz et biocarburant). Pour sensibiliser le grand public et donner de l’écho à ses résultats Nature Tropicale a la spécificité de disposer d’un département audiovisuel pour produire et diffuser des documentaires spécialisés. Mon organisation est enfin la fondatrice et principale animatrice du forum biodiversité du Bénin (groupe WhatsApp et réunions périodiques) qui réunit de façon régulière les acteurs professionnels ou amateurs qui s’intéressent aux questions de protection de la Nature.

 

2. A quel moment et dans quelles circonstances avez-vous personnellement pris le parti de vous engager pour la Nature ?

 

Je me suis engagée pour la conservation de la Nature en Janvier 2007 après mon stage de Licence en Géographie au sein de Nature Tropicale ONG. C’est en effet à cette occasion que je me suis rappelée qu’enfant dans mon village, nous nous amusions avec les singes qui venaient pour chercher les bananes. Aujourd’hui je ne peux que constater la disparition de ces espèces à cause du braconnage. Cela m’a beaucoup affecté et j’ai décidé de lutter pour une protection durable et efficace de l’environnement au Bénin. Ainsi, après mon stage j’ai été recrutée plusieurs années durant comme animatrice pour conduire les activités de Nature Tropicale en matière de sauvegarde des tortues marines. C’est en 2012 qu’après un certain nombre de formations sur la nature et l’environnement je suis devenue la chargée de programme Zones Humides de l’ONG et coordonnatrice du programme Tortues Marines. Grâce à mes fonctions, j’ai aujourd’hui acquis des connaissances et des expériences considérables grâce à Nature Tropicale et aux différents partenaires techniques et financiers qui nous ont accompagné comme UICN Pays-Bas, CeBios, PNUD, RAMPAO, PPI, PAPBIO, ABN, etc.….

 

 3. Quelle est selon vous la plus grande victoire de Nature Tropicale ONG ? 

 

La plus grande victoire de Nature Tropicale ONG est selon moi, la création de AALF-BENIN (Projet d’Appui à l’Application des lois sur la faune et flore au Bénin) qui nous a permis de bien lutter contre les crimes environnementaux et une application effective des lois. Ainsi, grâce à la signature d’un Accord Cadre avec le gouvernement du Bénin et la collaboration active de la Direction Générale des Eaux Forêt et Chasse du Benin, nous avons notamment permis l’arrestation de trafiquants et la saisie de plus de 350 kg d’ivoire d’éléphant entre 2014 et 2020. A cela s’ajoute la saisie d’une peau de panthère et de 15 peaux de Guib harnaché.

 

4. Quelle est la personne qui est actuellement votre source d’inspiration et pourquoi ?

 

Mon grand frère Josea DOSSOU-BODJRENOU, fondateur et actuel directeur de Nature Tropicale ONG. En effet quand j’étais petite, c’est lui et sa sœur jumelle qui nous impressionnaient tous au village en s’amusant à nourrir les singes qui venaient à la maison. A cette époque, le village était entouré d’arbres mais à cause de la démographie et de la pauvreté de notre communauté, celle-ci a commencé par détruire tout pour satisfaire ses besoins. Inquiet et indigné par cette situation, mon grand frère, a aussitôt après ses études de vétérinaire décidé de se donner corps et âme pour protéger les dernières ressources naturelles du Bénin. Pour cela, il a très tôt eu l’idée de s’appuyer à la fois sur les éléments favorables issus de notre culture endogène et sur les textes et loi de notre Nation. Cette méthode de défense de l’environnement m’a convaincue et je me suis aussi mis à faire cette lutte. C’est notamment à moi qu’il revient aujourd’hui la responsabilité de mobiliser les femmes de notre communauté dans les actions de conservation.

 

5. Si vous étiez un animal vous seriez ? Expliquez-nous pourquoi ?

 

Je serais une tortue Luth. Parce que premièrement je trouve magnifique cette imposante tortue marine qui peut faire jusqu’à 400 kg en moyenne (c’est la plus grosse des espèces de tortue marine). Deuxièmement car elle est régulièrement citée dans les récits des peuples côtiers pour avoir sauvé des pêcheurs de la noyade en les ramenant à la plage. Malheureusement dans les faits depuis 2007 où j’ai pu en observer deux vivantes, aucune autre observation vivante n’est renseignée au Bénin.

 

6. Si vous aviez un pouvoir magique extraordinaire que souhaiteriez-vous changer ?

 

Si j’avais ce pouvoir, je referais du Bénin un pays davantage forestier et riche en biodiversité comme il l’était dans les années 60.

 

7. Quels conseils donneriez-vous aux jeunes africain.es qui comme vous veulent s’engager dans la vie associative au profit de la Nature ?

 

Je leur dirai tout d’abord d’être patient.es, courageux.ses et persévérant.es. Je leur dirais aussi d’apprendre à mieux se connaître à travailler en équipe et à collaborer avec leurs ainés pour apprendre d’eux tout en se permettant d’innover. Je leur conseillerai aussi d’œuvrer à la définition d’une vision claire pour éviter de ‘‘s’éparpiller’’ dans leur lutte associative.

 

Je leur dirais enfin de soutenir l’engagement féminin. Les femmes étant encore trop souvent marginalisées dans certaines communautés, sans droit à la parole. Pourtant si nous les y accompagnons avec bienveillance, elles ont un rôle très important à jouer au sein de la société et dans leur foyer.

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