Interview de Nathalie Mianseko Breheret, directrice de RENATURA CONGO

Published on 14 mars 2023
ICON/BTN/arrow/2/arrow-down Created with Sketch. Sauvegarde des espèces menacéesInterview de Nathalie Mianseko Breheret, directrice de RENATURA CONGO

Renatura, est une OSC de référence pour la conservation de la biodiversité, dont l’action s’articule notamment autour de l’étude et de la protection des tortues marines et de leur habitat au Congo. Quatre des sept espèces mondiales de tortues marines fréquentent en effet les plages congolaises, qui accueillent chaque année d’importantes populations en période de pontes. Nathalie Mianseko Breheret, directrice de l’association, revient sur la trajectoire de l’organisation, ses temps forts et ses perspectives pour l’année en cours.

 

 

« Aujourd’hui Renatura, c’est près de 500 tortues marines libérées chaque année des filets de pêche artisanale. »

 

 

1.Nathalie, tu es la directrice de RENATURA Congo, une OSC congolaise créée il y a 18 ans à présent. Peux-tu nous rappeler un peu l’histoire de RENATURA, nous dire quelques mots sur sa trajectoire et peut être nous donner quelques chiffres clés, concernant l’impact de l’organisation ?

 

Renatura est née d’une amitié et d’une passion commune pour l’environnement mais aussi d’une rencontre avec un pays exceptionnel, avec des gens engagés et des animaux fascinants.

Fin 1999, une amie et moi-même sommes venues en République du Congo faire du volontariat. Nous avons découvert la richesse écologique du Parc National de Conkouati-Douli et, à l’époque également, le manque d’information des habitants sur la fragilité de certaines espèces animales et les difficultés à les protéger. Nous avons dès lors voulu contribuer à la préservation des tortues marines, qui étaient victimes alors d’un fort braconnage. C’est ainsi qu’ont débuté les premières actions en faveur de ces espèces menacées, sur nos fonds propres. Le Congo sortait d’une guerre civile dévastatrice qui avait duré plusieurs années et les administrations étaient en reconstruction. Nous avons ainsi dû attendre 2005 pour pouvoir créer officiellement l’association Renatura Congo à Pointe-Noire. L’association n’a depuis cessé de se développer. En 2006, elle a reçu son premier financement du PPI afin de couvrir les campagnes de suivi des pontes, les libérations des captures accidentelles de tortues marines dans les filets de pêche artisanale et des actions d’Education à l’Environnement. Un soutien précieux qui permettra d’asseoir les activités phares de l’association et de renforcer sa crédibilité auprès des bailleurs.

 

Aujourd’hui Renatura, c’est :

 

– 15 personnes employées à plein temps et 45 saisonniers pour le suivi des pontes 5 mois par an,140 des 170km de plage du Congo bénéficiant d’une protection lors de la saison de pontes,

– En moyenne 2000 nids protégés chaque saison

– Près de 500 tortues marines libérées chaque année des filets de pêche artisanale,

– 23 villages touchés par les activités de Renatura,

– Des campagnes de suivi des baleines et des dauphins,

– Plus de 30 000 enfants sensibilisés à l’environnement chaque année,

– 1 écocentre hébergeant des bureaux, mais aussi des espaces d’accueil avec une exposition sur les tortues marines et sur l’écoconstruction,

– 1 aire marine protégée en cours de création

 

 

2.Dans la lignée de la première question, peux-tu nous citer 2 moments clés de l’histoire de RENATURA ? Des moments forts, marquants, dans votre trajectoire, ou des anecdotes qui te semblent de bonnes illustrations de ce qu’est la vie d’un acteur de la société civile en Afrique Centrale ?

 

Il y a beaucoup de moments forts dans l’histoire de Renatura mais si je ne devais en choisir que deux je dirais :

 

– 2011, après des années de partage de données et de plaidoyer auprès des autorités compétentes, les tortues marines sont enfin classées espèces intégralement protégées au niveau national. Une grande fierté pour nous et une belle avancée

– 2022, la tenue de la Commission Nationale de Classement de la future Réserve Marine Communautaire de Loango. L’aboutissement de plusieurs années de plaidoyer, de deux ans d’études, de consultations, de travail en collaboration étroite avec les autorités et parties prenantes.

 

 

3.Quelles sont les perspectives pour l’année 2023 qui débute ? Y a-t-il des défis à venir qui t’animent particulièrement et si oui pourquoi ?

 

2023 s’ouvre en effet sur de nouveaux challenges pour Renatura : la Réserve Marine Communautaire de Loango ! Cette Aire Protégée n’attend plus que la signature officielle de son décret pour être créée. Nous allons donc suivre de près ce dossier administratif complexe et commencer, en parallèle, à préparer tous les outils nécessaires à son opérationnalisation. Renatura souhaite en effet contribuer efficacement, aux côtés du Ministère de l’Economie Forestière, à la gestion de cet espace dédié à la préservation de l’environnement marin.

Pour l’association, c’est donc une nouvelle étape. La gestion d’une ONG et l’aménagement d’un territoire sont deux missions différentes, qui servent toutes deux la préservation de l’environnement mais à des échelles très différentes. Nous devons donc préparer cette transition en amont. Nous avons pour cela beaucoup à apprendre mais nous avons également la chance d’avoir plusieurs partenaires et ONG internationaux, prêts à nous accompagner dans ce nouveau défi !

En parallèle, depuis 2022, grâce au soutien du PPI, Renatura Congo s’est engagée dans la préservation des cétacés. Un nouveau domaine d’intervention qui s’avère être très intéressant et plein de challenges. Nous découvrons de nouvelles informations sur la biologie des baleines et des dauphins, leur présence le long des côtes, mais aussi nous nous confrontons à de nouvelles limites liées aux contraintes physiques et logistiques du milieu marin principalement. Etudier ces ambassadeurs des océans reste malgré tout une expérience unique qui fait pleinement sens avec nos valeurs et objectifs, et nous renforce dans notre rôle de défenseur du milieu marin et côtier.

 

 

4.On sait l’importance de la qualité des relations avec les partenaires, techniques et financiers, pour des acteurs de la société civile dans la région. En tant que leader d’organisation congolaise, au vu des leçons apprises des dernières années, quels conseils donnerais tu à des PTF lisant cette interview et affichant une volonté réelle de contribuer à faire émerger des acteurs de la société civile en Afrique Centrale ?

 

La société civile est un des piliers du développement durable d’un pays. Elle est le trait d’union entre les communautés et l’Etat, elle relaie les besoins des uns et les décisions des autres, elle appuie les politiques et les vulgarise. Bref, c’est un acteur essentiel ! Malheureusement, dans des pays en développement, où la précarité est récurrente, s’investir sur des sujets environnementaux reste une démarche marginale, encore mal comprise par les familles. Le modèle de réussite sociale étant construit autour de l’obtention d’un emploi bien rémunéré, si possible dans des domaines porteurs comme l’exploitation des ressources naturelles. Les leaders d’organisation environnementale, donc de défense aux droits à un environnement sain pour tous et pour les générations à venir, sont par conséquent des personnes avec un fort engagement, qu’il convient d’appuyer dans leurs efforts. Le PPI avec son programme de soutien aux OSC l’a bien compris et accompagne pas à pas ces acteurs. Après près de 15 ans d’action, les résultats sont désormais là pour démontrer l’intérêt et l’efficacité de ce travail de longue haleine. Mon conseil aux PTF est donc de ne pas se décourager, les changements prennent du temps mais doivent émerger avant tout de l’intérieur de chaque pays, et donc de leur société civile nationale.

 

Pour plus d’informations sur l’ONG Renatura.

Faisons connaissance,

Suivez nous sur les réseaux ou contactez-nouss