Interview de Josué ARUNA, CBCS

Published on 24 juin 2021
ICON/BTN/arrow/2/arrow-down Created with Sketch. Résolution des conflits hommes-animauxInterview de Josué ARUNA, CBCS

 

Bonjour Josué, vous êtes le Directeur Exécutif de l’OSC congolaise Congo Bassin Conservation Society (CBCS). Pouvez-vous nous dire quelques mots sur cette organisation et ses objectifs ?

 

CBCS est une organisation congolaise créée en 2016 et qui soutient la gestion rationnelle des ressources naturelles et de la biodiversité dans les écosystèmes du bassin du Congo tout en aidant les communautés locales et peuples autochtones à mieux bénéficier des services écosystémiques, afin de s’approprier au mieux les actions de conservation. CBCS cherche à fournir des réponses appropriées aux problèmes de gestion durable des ressources naturelles du bassin du Congo et aux conséquences socio-économiques négatives qui en découlent.

Pour y parvenir, CBCS cherche à gérer directement les causes de dégradation des écosystèmes et d’érosion de la biodiversité par le biais d’actions de restauration, de plaidoyer et de sensibilisation des communautés locales. Dans le même temps, nous cherchons à lutter contre les criminalités fauniques et à promouvoir l’entreprenariat agricole durable et résilient aux changements climatiques.

 

Votre action porte à l’heure actuelle sur deux sites importants en termes de conservation au Sud Kivu en RDC, à savoir le Parc National de Kahuzi Biega (PNKB) et le lac Tanganyika, à l’embouchure de la rivière Ruzizi. Les enjeux y sont sans doute assez différents, pouvez-vous nous en dire un mot ? 

 

Notre intérêt s’oriente en effet vers ces deux sites car les deux écosystèmes situés dans le Rift Albertin hébergent une biodiversité rare ainsi qu’une grande variété d’espèces endémiques et vulnérables.

Notons qu’au PNKB se trouve un des derniers refuges de gorilles de Grauer, espèce endémique à l’Est RDC.  Les menaces auxquelles font face ce parc sont notamment liées aux pressions causées par les communautés riveraines, avec la complicité de certains opérateurs économiques et politiques voulant exploiter illégalement les ressources naturelles à l’intérieur de ce dernier. Cette situation nous a poussé à nous positionner en tant que citoyens congolais, afin de barrer la route à la destruction de l’habitat des gorilles.

Notre travail consiste principalement à mener des actions de plaidoyer auprès des décideurs politiques afin de faire respecter les lois et conventions internationales en matière de conservation de la biodiversité et de sensibiliser les peuples autochtones et les autres communautés riveraines afin de les aider à appréhender les bienfaits de la conservation et de la cohabitation pacifique avec les gestionnaires du PNKB.

Concernant la rivière Ruzizi et son embouchure au lac Tanganyika, il s’agit d’un des habitats privilégiés, des derniers refuges des hippopotames dans la province du Sud-Kivu.

Cette zone transfrontalière avec le Burundi connait depuis plus d’une décennie des situations de criminalité faunique importante entrainant le braconnage des hippopotames par les militaires et d’autres individus. Un cercle vicieux favorable à ce phénomène de braconnage et trafic s’est en effet enclenché, car les communautés locales et peuples autochtones de la zone cherchent à se venger pour la destruction de leurs champs, le phénomène étant amplifié par une très forte anthropisation du milieu qui provoque des conflits importants et réguliers entre humains et hippopotames.

Au vu de cela, nous cherchons à réduire les criminalités fauniques tout en développant des stratégies communautaires favorables à la protection participative des hippopotames. Cela passe notamment par l’appui au développement d’alternatives économiques permettant de changer la perception de la population vis-à-vis de la présence de ces espèces.

 

D’où vient votre engagement sur la question de la protection de la nature ? Quel lien faites-vous entre cette problématique et la trajectoire d’un pays comme la RDC, notamment en termes de développement économique et bien être de ses citoyens ?

 

Notre engagement pour la protection de la nature est né d’un constat amer observé depuis plus de deux décennies après les guerres dites de libération en RDC et l’arrivée massive de réfugiés sur le sol congolais. Ce phénomène est à l’origine de tensions et conflits armés et communautaires, qui prends notamment la forme de tensions pour l’accès aux ressources naturelles et à la terre. Cette situation a eu pour conséquence une augmentation de la pression sur les ressources naturelles, la biodiversité et la dégradation des écosystèmes.

Au regard des enjeux incroyables en termes de biodiversité dans cette partie du Rift Albertin, nous avons alors décidé de nous engager, en tant que citoyens congolais pour influencer les décisions politiques tout en fédérant d’autres acteurs à travers un réseau de la société civile dynamique engagé dans la protection de la nature.

En effet, le cycle de conflit qu’a connu l’Est de la RDC et plus particulièrement le Kivu, a renforcé la mauvaise gouvernance et le pillage des ressources naturelles. Cette situation ne permet pas aux institutions en place et à la population de poser les bases d’un développement économique durable pour le bien-être des citoyens congolais. Cette exploitation des ressources naturelles illégale accroit la pauvreté et les frustrations au sein de la population. Elle alimente les conflits armés et intercommunautaires, l’insécurité, et entraine le sous-développement au sein des entités territoriales décentralisées et le non-respect des droits des communautés locales et des peuples autochtones.

Le climat des investissements, qui pourrait permettre la création d’emplois bénéfiques aux jeunes, est au ralenti en raison de cette insécurité généralisée causée par les groupes armés. Là encore, tout en étant souvent observée dans des zones prioritaires pour la conservation de la biodiversité. Les infrastructures sociales de base sont inexistantes (routes, hôpitaux, écoles). La corruption, la fraude surtout minière et le commerce illégal et illicite des certaines espèces rares.

Tous ces faits nous ont donné une motivation particulière, ont entrainé une prise de conscience collective. Notre engagement en tant que citoyens vise à montrer les avantages potentiels, notamment en termes de développement, de la protection de la nature. Notre slogan est depuis le début « écosystèmes bien gérés = développement des communautés ».

 

Quelles sont les perspectives pour CBCS pour l’année à venir ? Quelles seront vos priorités d’action ? 

 

Nos perspectives sont de continuer à sensibiliser et accompagner les communautés locales et peuples autochtones à travers des alternatives économiques autour du PNKB et au lac Tanganyika, pour protéger davantage ces habitats clés et la biodiversité. Nous souhaitons également y développer des alternatives économiques, accompagner des initiatives de développement du tourisme communautaire, notamment autour du lac Tanganyika et la rivière Ruzizi en aménageant au moins 3 points d’observation d’hippopotames. Enfin, nous souhaitons continuer à organiser des campagnes de lutte contre les criminalités fauniques et sauvages dans les différents paysages et appuyer le renforcement de l’application des lois.

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