Préserver le mystérieux lamantin d’Afrique – Help Congo

Published on 9 décembre 2025
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Le lamantin d’Afrique (Trichechus senegalensis), discret géant aquatique classé Vulnérable sur la Liste rouge des espèces menacées de l’UICN, reste l’un des mammifères les plus mystérieux et les moins étudiés du continent. Dans les lagunes, mangroves et rivières du Parc national de Conkouati-Douli, au Congo, cette espèce joue pourtant un important rôle écologique : maintenir les herbiers aquatiques, soutenir la productivité du milieu et stabiliser les écosystèmes côtiers.

 

Depuis 2023, l’OSC HELP Congo mène, avec le soutien du PPI, un programme ambitieux visant à mieux connaître l’espèce, réduire les pressions qui pèsent sur elle et renforcer son ancrage dans les dynamiques communautaires du parc.

 

 

Comprendre les usages

La conservation efficace d’une espèce aquatique comme le lamantin nécessite d’abord de comprendre les pratiques humaines qui modèlent son environnement. À Conkouati-Douli, la pêche artisanale, les déplacements en pirogue, l’orpaillage, la culture sur brûlis ou la production de charbon transforment les milieux et influencent la présence du lamantin.

 

Pour éclairer ces dynamiques, HELP Congo a conduit une enquête auprès des pêcheurs et habitants. Au total, 76 pêcheurs ont été interviewés, permettant de documenter les zones de pêche, relever la présence de filets autour des herbiers et de mieux comprendre les pressions liées à la pêche, aux captures accidentelles, à l’orpaillage, à la déforestation ou à la pollution.

 

Ces données sociales constituent un socle indispensable : elles situent les espaces de conflit, renforcent la compréhension fine des usages et permettent d’orienter les efforts de conservation de manière réaliste et localement acceptable.

 

Comprendre l’écosystème : cartographier, mesurer, analyser

Pour protéger une espèce, il faut connaître ses habitudes, savoir quels lieux elle préfère fréquenter et pourquoi. C’est pour cela que HELP Congo a mené un travail scientifique sur le lamantin dans la lagune de Conkouati.

 

Cartographier les herbiers et les zones d’alimentation

 

Grâce à un suivi combinant bateau, drone et SIG, 100 % des herbiers aquatiques ont été localisés et cartographiés.
Cette cartographie intègre :
– herbiers aquatiques et semi-aquatiques
– zones de nourrissage potentielles
– voies migratoires supposées
– zones de refuge
.

Analyser la structure de la lagune

 

Une collecte complète des données physico-chimiques a été menée sur plus de 50 points d’échantillonnage : salinité, pH, température, conductivité, taux de mercure et présence de plastiques.
Ces données permettent de comprendre pourquoi certaines zones sont préférées par le lamantin, et comment l’environnement évolue sous l’influence humaine.

Bathymétrie et dynamique de l’eau

 

À l’aide d’un sonar, HELP Congo a réalisé la cartographie des fonds de la lagune, identifiant les zones peu profondes propices à l’espèce et les potentiels corridors écologiques.
Ce travail approfondi offre un cadre spatial précis pour les futures mesures de protection.

 

Étudier l’espèce grâce aux nouvelles technologies

L’ADN environnemental : détecter sans déranger

Deux campagnes d’ADNe ont été réalisées, couvrant 55 sites.
Les analyses confirment la présence du lamantin dans plusieurs zones clés de la lagune, mais aussi dans le fleuve Kouilou.
Les cartes produites offrent une vision nouvelle et beaucoup plus fine de la distribution de l’espèce.

 

Caméras aquatiques : une première mondiale

Les équipes ont installé des caméras sous-marines dans des zones stratégiques, aboutissant à :
– 150 heures de vidéos
– plus de 10 lamantins filmés
– les premières séquences mondiales du Trichechus senegalensis dans son habitat naturel

Certaines vidéos ont même permis d’identifier des individus via des marques distinctives.

 

Acoustique : écouter pour compter

43 points d’échantillonnage acoustique ont permis de collecter plus de 10 000 heures d’enregistrement, dont plus de 3 000 vocalisations analysées dans le cadre d’une thèse doctorale lancée en 2024.

Ces données ouvrent la voie à un futur protocole de suivi basé sur les sons, plus fiable que l’observation directe dans ces eaux turbides.

Écoutez les vocalisations des lamantins ici !

 

Impliquer les communautés locales

Sensibilisation dans les écoles et villages

Une animation dédiée au lamantin a été développée et diffusée dans au moins 8 écoles, touchant entre 300 et 500 enfants, en plus d’actions menées dans les villages.
L’objectif : construire une culture de protection de l’espèce et de la biodiversité dès le plus jeune âge.

 

Alternatives économiques durables

Pour réduire la pression sur la faune, HELP Congo soutient plusieurs initiatives communautaires de développement d’activités économiques durables comme l’apiculture (24 ruches distribuées, 8 personnes formées), l’artisanat ou encore le tourisme local !

 

Conclusion : vers une gestion renforcée des zones clés

Toutes ces actions convergent vers un même objectif : protéger les zones critiques pour la conservation du lamantin dans la lagune de Conkouati.

Le capital scientifique et humain généré par le projet permet désormais à HELP Congo d’engager, avec Noé – gestionnaire du Parc National de Conkouati-Douli –, des discussions solides autour de la création d’une zone intégrale dédiée au lamantin, de l’installation de panneaux de signalisation et du renforcement de la surveillance par les écogardes.

Grâce à l’implication des communautés locales – à travers la sensibilisation, les enquêtes et les alternatives économiques – ces futures mesures ont de grandes chances de s’ancrer durablement dans les pratiques locales.

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